Salésiens de Don Bosco - Afrique Tropicale Equatoriale

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SDB ATE 2005-2006

Karl Rahner et le Concile Vatican II

Le 8 décembre 2005 , l'Église tout entière a célébré le quarantième anniversaire de la clôture solennelle du Concile Vatican II. Cette célébration, événement ecclésial et théologique à la mesure du siècle qui s'est écoulé, a été marquée par les organisations des colloques théologiques, signe de la pertinence et de l'urgence de redécouvrir, d'approfondir l'extraordinaire dynamique du vrai sens du Concile Vatican II, pour faire face à de nouveaux défis du monde et aux interrogations que le Christ adresse à l'Église, à la société et à l'homme d'aujourd'hui.

L'Église a connu, dans les années d'avant-Concile, une effervescence intellectuelle théologique sans précédent. Elle s'interrogeait sur sa présence au monde. C'est cette même réflexion qui a cours aujourd'hui, dans la situation de l'Église dans notre temps, au XXI e siècle. Et ce n'est pas un hasard si les théologiens ont joué un rôle majeur, même si cet élan théologique ne s'est toutefois pas fait sans accrocs. Certains théologiens seront accusés injustement, frappés par les sanctions romaines. il fallut attendre la période préparatoire du Concile Vatican II pour que ces têtes pensantes opèrent un retour en grâce. L'un de ces théologiens est Karl Rahner dont l'influence au Concile Vatican II a été significative .

Cette étude veut être hors de toute préoccupation polémique ou partisane. Nous n'avons pas l'intention d'étudier les contributions de Rahner en fonction des controverses passionnées (et passionnantes) qu'elles ont suscitées. Encore qu'une telle étude puisse s'avérer féconde à certains égards. Mais nous nous refusons à l'entreprendre ici. Comprendre un théologien, n'est-ce pas d'abord se déplacer vers la problématique qu'il indique, et s'efforcer de saisir correctement les raisons qu'il donne pour justifier son ouvre. C'est pourquoi en tenant compte des éléments apportés par les controverses suscitées par les écrits de Rahner, nous donnerons à cette étude une forme positive plutôt qu'apologétique. Cette étude s'articule en deux points : - Les démêlées de Rahner avec la curie romaine et - sa participation aux travaux conciliaires comme théologien et expert du Cardinal König.

Ses démêlés avec la curie romaine

Comme beaucoup d'autres théologiens, élevés tardivement à la dignité cardinalice, Rahner - même s'il n'était pas fait de l'étoffe qu'on tisse les cardinaux - était aussi dans les années cinquante et soixante, l'objet des critiques de la part de la curie romaine et à l'intérieur de son ordre. Quelques temps après la deuxième guerre mondiale, Rahner proposa une réflexion sur l'être pécheur de l'Église : il voulut penser théologiquement cette « Quaestio Disputata » de l'Église pécheresse et en même temps toujours sainte, puisqu'elle est fondée sur le geste salvifique du Christ, qui est plus fort que le péché . Mais le thème du péché dans l'Église, discuté de manière ouverte, n'était pas accepté par tous, surtout parmi ceux qui ont une conception triomphaliste de l'Église.

Rahner rencontra la première difficulté à cause de ses réflexions sur un thème mariologique : La compréhension de l'Assomption corporelle de la Vierge Marie au ciel, proclamé comme vérité de foi le 1 er Novembre 1950 par le Pape Pie XII . Cet ouvrage sur l'Assomption de la Vierge Marie ne pouvait pas paraître à cause de la censure intérieure de la Compagnie de Jésus . Et pourtant, Rahner voulait simplement proposer un traité qui pouvait rendre compréhensible ce nouveau dogme dans le milieu allemand caractérisé par la présence des protestants. Pour rendre compréhensible le dogme, Rahner avait voulu présenter surtout la question autour de la légitimité et autour des principes du développement des dogmes, puisque la Sainte Écriture ne contient pas explicitement aucun donné sur la fin terrestre de la Vierge Marie. Et qu'est-ce qui peut motiver la proclamation d'un tel dogme ? Rahner cherche une explication conforme à la Sainte Écriture en faveur de la résurrection qui concernait toute la personne (corps et âme) avant l'universelle résurrection des morts à la fin des temps. Il trouva une documentation dans le récit de la passion de l'Évangile de Matthieu. Ainsi, par la mort du Christ, le vieux monde du péché et de la mort est passé. La fin du monde advient déjà alors de manière inchoative. Le signe, typique de la fin du temps, est le soleil qui s'obscurcit et étend son ombre sur la mort de Jésus en croix. Et immédiatement après la mort, la terre a tremblé, aussi celui-ci est le signe de la fin du monde (Mc 13, 8. 24).

Puisque la fin du monde fait irruption avec la mort du Christ, et la résurrection des morts advient dans le temps : « les tombeaux s'ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent » (Mt 28, 52). Par principe, il est donc possible de supposer qu'avec la mort de Jésus advient déjà un accomplissement qui concerne l'âme et le corps. Et ce que Matthieu dit en référence à ces saints peut naturellement, c'est la conclusion théologique de Rahner, être pareillement cru de la sainte Mère de Jésus . Il faut rappeler, ici, que dans cette étude sur l'Assomption de la Vierge, ce qui dérangeait, n'était pas seulement l'idée du développement des dogmes mais surtout que ses réflexions sur la résurrection de l'homme à l'instant de la mort menaçaient, selon toute apparence, de niveler la distinction par rapport à l'accomplissement final et personnel de Marie.

Un autre conflit dériva de la réflexion de Rahner sur la légitimité d'une messe célébrée par plusieurs prêtres, la concélébration. Le droit canonique de 1917 avait interdit la concélébration, sauf rare exception. De nouveau, Rahner se lança dans une recherche historique sur la mémoire de la praxis de la concélébration, désormais simplement inusuelle, et il a stimulé la discussion au regard d'un renouvellement de l'antique praxis ecclésiale. Certains craignaient que par la concélébration le don de grâce de Dieu lié à la célébration d'une messe s'amoindrisse, puisque plusieurs prêtres qui célèbrent ensemble une messe accomplissent justement une unique trans-substantiation des dons eucharistiques. En 1954, le Pape Pie XII, dans une allocution publique, repoussa expressément les développements de Rahner sur la concélébration . L'autorité romaine compétente en matière de foi interdisait alors Rahner de s'exprimer ultérieurement sur cette question. Paradoxalement, le Concile Vatican II restaura la pratique de la concélébration. Après le Concile Vatican II Rahner fut accueilli par le Pape Paul VI à une audience privée et il dit au Pape : « Vous voyez, saint Père, il y a dix ans, le Saint Office m'interdisait de dire encore une parole sur la concélébration, et maintenant on concélèbre et vous aussi » et le Saint Père répondit : « Est tempus flendi, est tempus ridendi » . Le Pape, avec cette référence au livre vétérotestamentaire de Qoélet, voulait certes faire allusion au fait que les propos de la Saint Office n'ont pas valeur d'éternité.

Encore une autre fois en 1960, Rahner suscita un scandale à cause d'un thème mariologique : la naissance virginale de Jésus. Il ne nie pas que, en effet, la conception de Jésus par Marie fût l'ouvre de l'Esprit Saint, comme enseigne l'Église, et que selon Matthieu et Luc advient sans l'intervention d'un homme. Le sens profond de la naissance virginale est qu'avec le commencement de la vie de Jésus, est mis en évidence qu'il n'est pas seulement un prophète plein de l'Esprit Saint, mais plutôt qu'en lui et de manière indépassable Dieu lui-même se rend présent dans le monde et dans l'histoire, de sorte qu'en un sens exclusif Dieu lui-même est Père de Jésus (Lc 2, 49).

Toutefois, l'Église enseigne non seulement la virginité de Marie avant la naissance de Jésus ( virginitas ante partum ), mais aussi elle a développé ultérieurement la doctrine, se référant à la virginité de Marie aussi dans l'événement même de la naissance ( virginitas in partu ) et après la conception ( virginitas post partum ). Mais Rahner voulait simplement par cette étude sur la virginité de Marie rendre compréhensible la particularité de la naissance de Jésus de la vierge Marie. Il argumentait ainsi : l'accouchement de Marie est un acte qui est soutenu entièrement par son fiat aux promesses de Dieu (Lc 1, 38) et il se demande que signifie vraiment, dans son noyau, « virginité ». Il parvient à une contenu théologico-religieux : vierge dans ce sens est une personne qui, orientée intérieurement vers l'accomplissement de la Parole de Dieu, est à la disposition de Dieu. Dans cette vision plus profonde, naturellement, les mariés peuvent être vierges.

Par la naissance de Jésus de la vierge Marie qui est pleine de grâce (Lc 1, 28), Marie prononça son fiat devant l'action salvifique de Dieu et c'est pour cela elle est appelée la nouvelle Ève. Cette expérience de communion de Marie avec Dieu consiste, pour Rahner, le noyau de l'affirmation selon laquelle la naissance de Jésus de la vierge serait virginale. Avec cette solution Rahner se libère de tous les problèmes, qui résultent des locutions bibliques sur les « frères de Jésus ». Rahner laisse toutefois ouverte la question sur les détails biologiques, comme l'intégrité de l'hymen et des voies utérines .

Un vent de renouveau soufflait déjà dans l'Église (En janvier 1959 le Pape Jean XXIII annonce la convocation du Concile) mais à travers ces réflexions, Rahner s'attira les ires de la curie romaine. L'intercession du Cardinal Julius Döpfner auprès du Pape Jean XXIII sauva en 1961 Rahner d'une procédure juridique du Saint Office. Le 22 mars 1961, Rahner est justement nommé par ce même Pape consultant de la commission conciliaire préparatoire pour la discipline des sacrements.

Voici qu'un incident risque de compromettre sa participation aux travaux conciliaires. Le 1 er juin 1962, Rahner intervient sur les paroles de la première lettre aux Thessaloniciens : «  N'éteignez pas l'esprit  » au Katholikentag d'Autriche à Salzbourg. Il parla de la complexité de l'appareil ecclésiastique, du centralisme romain de la bureaucratie ecclésiastique et perçoit le danger de perdre l'esprit et le charisme. La même année, le 23 août 1962 , au Katholikentag d'Hanovre, il prononça une conférence sur «  La foi du prêtre aujourd'hui  » qui émeut encore la curie romaine. Déjà nommé consultant au Concile, trois mois avant l'ouverture solennelle du Concile, il reçoit, le 7 juin 1962, par l'entremise du supérieur général de son ordre une instruction émanant du Saint Office que dorénavant tous ces écrits seront soumis à une pré-censure .

Rahner alerta les cardinaux König et Döfner, bien disposés à son égard, son ami l'évêque Volk et le prélat Höfer de Rome. König parla quelques jours après avec le Pape Jean XXIII et lui demanda une protection pour Rahner. Rahner se rendit lui-même à Rome, le 23 juin 1962, rencontrer le supérieur général qui se comporta amicalement envers lui et lui recommanda de s'adresser aussi au cardinal Frings, archevêque de Cologne. À la fin du mois de juin 1962, les cardinaux Döfner, König et Frings décidèrent de présenter une supplication écrite au Pape pour l'abolition de cette pré-censure. L'imposition de la pré-censure ne pouvait plus rester sécrète. Mais nous sommes en Allemagne, un pays où le gouvernement défend lui-même ses théologiens. Il y eut une levée de bouclier, plusieurs personnalités participèrent à l'organisation d'une action de protestation contre la pré-censure en apposant leur signature et même le chancelier Konrad Adenauer protesta en personne protesta par voie diplomatique auprès du Pape Jean XXIII.

En Août 1962, le Pape Jean XXIII avait dit au Cardinal Béa qu'il aurait trouvé une voie pour pacifier les Cardinaux et Rahner. Mais il n'arriva rien. De toute façon, le même Pape nomma Rahner en octobre 1962 comme théologien au Concile ( peritus ) et le préfet du saint Office le cardinal A. Ottaviani, ne souleva aucune objection quand le cardinal König pris Rahner avec lui au siège de la commission. À travers ce travail conciliaire, les adversaires romains connaîtront Rahner. Le 28 mai 1963, le supérieur des Jésuites communiquera à Rahner que le Saint Office avait levé totalement la pré-censure.

Même lorsqu'on est bien intentionné, loyal et compétent, on n'adopte pas, en théologie et dans l'Église, une attitude comme celle qui vient d'être esquissée sans s'exposer au débat, voire à la contradiction, ni sans encourir quelques risques. Personne, ni parmi ses collègues ni parmi ses supérieurs, n'a certes jamais taxés K. Rahner de déviance doctrinale caractérisée. Il faut bien reconnaître cependant que son style et sa personnalité théologiques, l'orientation de fond de sa pensée et de son action n'ont pas recueilli que des adhésions enthousiastes. Cette pensée et cette action correspondaient d'ailleurs sans doute davantage aux orientations spécifiques du Concile et du temps qu'il l'a immédiatement suivi qu'à la tonalité globale ecclésiale des années post-conciliaires. Aussi ne faut-il pas s'étonner si Rahner connut quelques difficultés.

 

Au concile pour l'amour de l'Église

Le Bon Pape Jean XXIII eut l'idée de convoquer un Concile. Le 25 janvier 1959, à peine 3 mois après son accession au souverain pontificat (28 octobre 1958), dans le monastère de Saint-Paul-hors-les-murs, devant les cardinaux abasourdis, Jean XXIII fait part de son intention de convoquer un concile ocuménique. Trente années dans le service diplomatique de l'Église l'ont ouvert les yeux sur la situation de l'Église dans les diverses pays et dans le monde. Il souhaitait un « aggiornamento » de l'Église, un réajustement de l'Église dans le monde d'aujourd'hui. Pour lui, il ne servait plus à rien de suivre seulement le Concile Vatican I. Celui-ci a été interrompu à cause de la guerre franco-prusse (juillet 1870) et de l'occupation de la cité de Rome par les troupes piémontaises le 20 septembre 1870 (l'Italie devait devenir un état unique, qui comprend aussi les États pontificaux). Le 20 juillet 1870, le Pape Pie IX avait interrompu le Concile Vatican I, sans pourtant préciser une date ultérieure pour sa reprise et sa continuation.

Depuis quelque temps, les signes se multiplient à l'intérieur de l'Église, d'une volonté de dialogue avec l'ensemble des hommes et la culture contemporaine. L'idée d'un Concile faisait son chemin dans les esprits avertis et aguerris. Pie XI et Pie XII auraient envisagé, dit-on, de rouvrir Vatican I, le premier y fit même allusion dans son Encyclique Urbi Arcano Dei , en 1922. En fait, il ne semble pas que la convocation d'un Concile ait été sérieusement envisagée pendant plus de quatre-vingts ans.

Jean XXIII était convaincu que l'Église se trouvait dans un tournant historique, en face du monde, en vue de son renouvellement. Une pure et simple poursuite du Concile Vatican I ne devrait pas répondre à cette urgence du temps. La convocation du Concile Vatican II et sa rapide mise en ouvre restent le titre de gloire le plus éclatant de Jean XXIII. La chronologie de la préparation se déroula à un rythme extrêmement rapide, pour une réalisation de cet ordre. Le 17 mai 1959, était mise en place la commission ante-préparatoire, sous la présidence du cardinal Tardini, enfin de prendre contact avec l'épiscopat - une lettre fut envoyée le 18 juin à chaque évêque pour demander des suggestions - tracer ensuite les lignes générales des sujets à traiter au Concile et prévoit sa phase directement préparatoire. La même demande est adressée aux universités et facultés de théologie catholiques.

Un an plus tard, le 5 juin 1960, le Pape Jean XXIII par le motu proprio «  Superno Dei Nutu  » , constitua les commissions préparatoires et les secrétariats. De juin 1960 à juin 1961, s'écoula une année laborieuse pour les commissions qui préparaient les projets. Le 25 décembre 1961, par la Bulle d'induction «  Humanae Salutis  » , le Pape Jean XXIII convoquait officiellement le Concile pour 1962, et le 2 février, par le Motu proprio «  Consilium  » il en fixa l'ouverture au 11 octobre suivant. Pendant tout ce temps, à chaque occasion, le Pape parlait au monde du Concile, le recommandait aux prières des fidèles. Son insistance jointe à la rapidité des travaux préparatoires et à un accueil très favorable de la presse et de la radio firent que l'opinion publique avait son attention tournée vers Rome, le jour de l'ouverture solennelle, le matin du 11 octobre 1962 jusqu'à sa clôture le 8 décembre 1965.

Sans viser à une reconstruction historico-herméneutique du Concile, il est judicieux de souligner ici, que la préparation lointaine du Concile est due aux théologiens qui ont joué un rôle prépondérant. Avant le Concile, on assista, dans plusieurs pays parmi les théologiens, à une extraordinaire effervescence théologico-pastorale et à un bouillonnement intellectuel considérable et sans précédent. C'est une floraison d'expériences et de mouvements : mouvement biblique, mouvement liturgique d'accent pastoral, apostolat des laïcs, recherche dans la fidélité d'une relation avec le monde. C'est un vaste mouvement de « sain réformiste » qui s'agitait dans l'Église. Longtemps paralysés par le soupçon et freinés, sinon brisés, dans leur élan par une autorité romaine tatillonne de l'époque, les théologiens ont connu des moments où « l'atmosphère était irrespirable », selon le dire de M. D. Chenu. Ils n'ont pas moins produit des ouvres d'une grande classe. Leur véritable percée se produit au Concile Vatican II. Oui, leur voix prophétique ne s'est pas éteinte. car un climat nouveau a été créé par Jean XXIII en peu de temps. L'ouverture la plus large est venue donc d'en haut. Du coup, des forces de rénovation qui avaient peine à déboucher à l'air libre pouvaient se déployer.

Parmi ces théologiens, nous voulons donc revenir à Rahner, l'un des figures emblématiques du Concile Vatican II. Pendant les périodes ante-conciliaires et conciliaires, Rahner déploie une activité impressionnante de conférencier et de publiciste. Il se déplace dans toute l'Europe, participe aux premières réunions entre théologiens catholiques et protestants, prêche des retraites, prend la parole devant de nombreux milieux professionnels, participe à des sessions de pastorale et de liturgie, donne des conférences radiophoniques, avant de passer à la télévision dans ses premiers débuts . Il y a donc dans ses prises de positions théologiques des correspondances entre sa théologie et la réflexion dans l'Église à l'époque conciliaire. Il eut ainsi à Rome l'occasion de voir encore s'élargir, par ses interventions qualifiées, par ses nombreuses conférences et rencontres. l'audience internationale qui expliquait déjà sa présence dans la ville éternelle.

Le rôle de Rahner comme expert au Concile Vatican II a été souvent mystifié . Lui-même s'est opposé avec véhémence à l'étiquette de «  l'homme le plus puissant  » ou de «  l'architecte caché du Concile  » et il est resté très modeste sur son rôle au Concile. Et pourtant, On peut historiquement démontrer que Rahner a travaillé corps et âme pour le Concile Vatican II. Mais quand on cherche dans les archives ses contributions directes et propres, on ne trouve pas un seul texte composé personnellement par Rahner. Ainsi un document rédigé à la fin par Rahner comprend toujours les apports du groupe. Quand on regarde les divers textes du même projet, on peut clairement observer dans sa progressive maturation, les contributions des styles et des contenus de plusieurs personnes.

K. Rahner répond ainsi à un interviewer qui lui attribue une « influence considérable » sur le Concile Vatican II : « je vous demande pardon, mais on ne peut pas dire simplement que j'ai eu une grande influence sur le Concile. Il serait faux d'affirmer quelque chose de ce genre [.]. Il est exact que j'ai participé à la plupart des commissions théologiques et que j'ai collaboré avec les autres théologiens » . Mais au-delà de cette réponse traversée par une grande humilité, « l'histoire de l'influence de Rahner sur le Concile Vatican II est encore à écrire » , opine Karl Lehmann. Sans prétention de vouloir écrire aujourd'hui cette histoire, nous ne pouvons simplement signaler que l'influence de ce jésuite allemand, que beaucoup considèrent comme l'un des plus grands théologiens catholiques du XX e siècle, a été déterminante, il à joué un rôle de premier plan au Concile Vatican II et à la pastorale des années 1950-1980. et pourquoi pas encore aujourd'hui ?

À la première session du Concile en octobre-novembre 1962, Rahner accompagne le cardinal König, archevêque de Vienne, comme théologien privé. Il habite Rome au « Collège germanique ». Il reçoit nombre de visites et donne des conférences devant diverses conférences épiscopales. Ses opposants principaux à Rome étaient les jésuites Sebastien Tromp et Franz Hürth, le premier théologien dogmatique, le second théologien moraliste à l'Université Jésuite la Grégorienne ; les deux étaient consulteurs du Saint Office, chapoté par l'éminence grise, le cardinal Ottaviani et son successeur, l'archevêque Pietro Parente, tous deux, opposants à Rahner .

Pendant ce temps conciliaire, le 5 décembre 1962, se vérifia pour Rahner l'ouverture décisive et le rendez-vous déterminant : « la rencontre de Rahner avec le Cardinal Ottaviani ». Pour examiner les textes des commissions préparatoires, le cardinal chercha par l'intermédiaire d'un théologien qui dans la fidélité à la Tradition théologique fut en mesure d'entrouvrir des nouvelles voies. Ainsi, le cardinal König prit Rahner pour participer à une Commission, qui était dirigée par les cardinaux Ottaviani et Bea qui devrait élaborer un nouveau texte sur la Révélation, c'est-à-dire sur la conception de la Sainte Écriture et de la Tradition comme sources de la Révélation. Rahner avait beaucoup d'hésitation avant la rencontre avec Ottaviani et celui-ci aurait eu le droit de le récuser, mais il ne le fit pas. Rahner lui-même affirme : « Moi, alors, avec crainte et inquiétude, j'entrais et je pensais qu'à peine le cardinal aurait découvert qui j'étais, m'aurait chassé dehors. Mais les choses ne sont pas passées ainsi » . Plutôt, ils commencèrent très vite à discourir les uns avec les autres. Rahner raconte que le cardinal aurait dit : « Nous à Rome, nous n'avons rien contre vous. Avec cette censure, nous voulons vous protéger des amis qui vous comprennent de manière erronée. C'est un privilège ». Et voici la réponse : « Éminence, à ce privilège, je renonce. Au fond on n'est pas obligé d'accepter les privilèges » . Le 7 décembre, ce fait se répéta.

Rahner dans la suite, acquit aussi auprès des théologiens de la contre partie, italiens ou théologiens formés à Rome, une grande considération pour sa connaissance profonde de la Tradition et pour sa maîtrise souveraine de la langue latine, pour la justesse et la logique de son argumentation. « Il était accepté ». Ce succès donna un démenti formel à tous ces ultraconservateurs qui parlaient de l'obscurité teutonique et de la difficulté de comprendre le théologien qu'il était. En raison de cette autorité intellectuelle, il réussit maintes fois, avec Y. Congar, E. Schillebeeckx, J. Ratzinger, H. Küng, entre d'autres théologiens, à faire éclater des schémas soigneusement préparer par la Curie Romaine et à les faire pénétrer dans un domaine théologique plus dégagé et ouvert. La force et la nouveauté de ce que Rahner disait étaient tellement en lien avec toute la Tradition que ses interventions trouvèrent un large consensus.

La pénétration de réflexions de Rahner et ses avis théologiques ne pouvaient plus feindre d'être ignorée et même s'il est difficile de préciser toutes ses contributions, il y a des indices de sa pensée dans les Constitutions et les Décrets conciliaires dans son ensemble. Celui qui connaît les «  Écrits Théologiques  » de Rahner, antérieurs et contemporains au Concile Vatican II, se rendra compte que, même si Rahner n'a pas pris directement part à la rédaction de certaines textes conciliaires, ces écrits ont influencé la Constitution sur la Liturgie, sur les Décrets sur l'ocuménisme, la Charge pastorale des évêques, la vie religieuse, la formation des prêtres, les rapports avec les religions non-chrétiennes, l'apostolat des laïcs, le ministère et la vie sacerdotale, l'activité missionnaire de l'Église.

Quelques textes conciliaires concordent clairement avec la pensée de Rahner. Sa conception du rapport du christianisme avec les religions non-chrétiennes, nonobstant les polémiques suscitées, a apporté au Décret Nostra aetate, des fondamentales contributions importances pour l'évangélisation. Le théologien a cherché après le Concile de les présenter en diverses circonstances et de montrer comment sa pensée est en plein accord avec les autres textes du Concile Vatican II, peut être inspirés par lui , qui ne dévalue ni ne diminue le devoir missionnaire de l'Église. Peu perceptible est en effet, l'influence de Rahner sur le décret sur les moyens de communication sociale, l'éducation chrétienne et la liberté religieuse, arguments sur lesquels il avait déjà écrit des articles.

Les trois Constitutions Lumen Gentium, Dei Verbum, Gaudium et Spes ont reçu de Rahner des contributions substantielles, sur lesquelles il avait pendant quelque temps concentré son attention théologique. Les écrits sur l'Église comme réalité visible et invisible analogue à celle du Verbe incarnée ; sur l'Église pécheresse, toujours en état de pénitence, de conversion et de renouvellement ; sur la position du laïc dans l'Église comme membre actif et coresponsable exerçant son sacerdoce commun non seulement dans l'écoute de la parole et dans la réception des sacrements, mais aussi en exerçant les fonctions prophétique, sacerdotale et royale ; sur la vocation à la sainteté ; sur le devoir spécifique de la vie religieuse et la tension eschatologique de la communauté croyante. sont perceptibles dans le Lumen Gentium.

La nouvelle de la mort le 3 juin 1963 du Pape Jean XXIII surprit les Pères conciliaires. Déjà le 21 juin, fut élu comme Pape l'archevêque de Milan, le cardinal Battista Montini, qui prit le nom de Paul VI et s'engagea à poursuivre le Concile jusqu'à sa fin. Toutefois pour arriver jusqu'à la fin, c'était encore une longue route à parcourir.

Rahner a participé, avec d'autres théologiens allemands, aux réunions des évêques allemands qui ont travaillé pendant la phase préparatoire et pendant la phase conciliaire proprement dite : celle de Fulda (Avril 1960), où ils ont proposé l'esquisse désirée par le futur Concile ; celle Munich (Février 1963) , avec les évêques et les théologiens Schmaus, Ratzinger, Schnackenburg et Wulf, où ils apportèrent les notes critiques au schéma De Ecclesia et présentèrent un schéma alternatif d'une grande importance ; celle de Fulda (Août 1963), où ils précisèrent mieux quelques aspects regardant spécialement la collégialité épiscopale.

Les contributions les plus saillantes de Rahner furent peut-être celles qui se rapportent aux N os 16-27 de la Constitution dogmatique Lumen Gentium, réservée à une sous-commission, à laquelle faisaient partie aussi les évêques allemands König, Schröffer, Volk, Heuschen, et les « peritus » Ratzinger et Schauf. Rahner et Ratzinger avaient déjà en 1961 édité « Primat et épiscopat » . Les réflexions de Rahner et Ratzinger coïncidaient avec la problématique du Concile : La mise en exergue du rôle de l'Église locale ; l'épiscopat comme ministère propre et non pas simplement comme prolongement du ministère pétrinien ; l'Église, non pas comme un État centralisé surnaturel, mais est constituée par les communautés eucharistiques, chacune réalisant l'essence de toute l'Église et peut en assumer le nom d'Église ; l'évêque, comme principe d'unité, et non pas un fonctionnaire subalterne romain ; et la communauté eucharistique ne peut être réduite à une circonscription administrative de l'Église universelle.

L'idée de la nature collégiale du ministère épiscopale a été aussi confirmée, ce qui complète la réalité de l'Église locale et son lien avec le primat. L'évêque, étant le centre dynamique de l'unité de l'Église locale, doit être aussi en lien et en coresponsabilité ouverts avec les autres Églises particulières, qui forment l'unique Église du Christ, et aux autres membres du collège épiscopale avec la tête du collège qui est le Pape, principe perpétuel et visible de l'unité des évêques e de tous les fidèles.

Un regard minutieux pourrait être posé sur le document Adumbratio schematis constitunionis dogmaticae " De Ecclesia " de l'épiscopat allemand et le texte définitif de la Constitution dogmatique Lumen Gentium : selon le commentaire fait par Rahner, qui rappelle ses écrits, qui n'est certes pas une autosatisfaction, mais laisse entrevoir les contributions de Rahner à l'ecclésiologie et à la mariologie conciliaire. En Automne 1963, Rahner pris part à la rencontre d'un groupe de théologiens en Belgique, invité par le cardinal Suenens (6-8 septembre). Le schéma De Ecclesia , présenté en 1963 aux Pères conciliaires, fut élaboré par une commission spécifique présidée par le cardinal Suenens avec l'aide de quelques «  peritus  », parmi lesquels, il faut citer Rahner, cherchant une voie moyenne entre l'esquisse ecclésiologique de l'école romaine et espagnole et les propositions novatrices des théologiens français et allemands. Ici, il travailla à un texte sur l'Église d'aujourd'hui, que le théologien Gérard Philips, secrétaire de la commission théologique du Concile, proposait à l'étude. Rahner vivait une bonne amitié avec Philips et la collaboration entre les deux fut importante pour la poursuite du Concile.

Dans la seconde phase conciliaire, du 29 septembre au 4 décembre, il eurent lieu des importantes délibérations, dans lesquelles Rahner eut une part considérable : À partir du 30 septembre, la discussion du nouveau texte sur l'Église, le 29 octobre, la délibération pour décider si la Vierge Marie devrait avoir un texte dogmatique à part ou les énoncés sur la Vierge Marie devrait plutôt être incorporés dans le schéma sur l'Église. Il participa à une sous-commission qui travailla au schéma sur l'Église, le rôle du diaconat qui le tenait à cour. Il conseilla les évêques, en particulier le cardinal König, d'insérer la Vierge Marie, comme membre de l'Église. Il prit part aussi la Commission, qui travailla au texte conciliaire sur les religieux. En cette seconde période du Concile, l'humour général excité et agressif de la période antécédente, laisse place à un climat raisonnable et pacifique même s'ils ne manquèrent pas des heurts dramatiques, en particulier sur la Vierge Marie. En cette période, fut organisée une grande rencontre entre le Pape Paul VI et les théologiens du Sacrementum Mundi , avec l'ami du Papa Paul VI, le théologien italien Carlo Colombo. Rahner est maintenant considéré comme l'homme le plus puissant du Concile selon le mariologue C. Balic (ofm) .

Rahner s'était engagé, quelques années avant l'ouverture du Concile, sur les questions théologiques concernant le rapport entre sur la Révélation, sur l'inspiration de l'Écriture, l'Écriture et la Tradition, sur la normativité du témoignage apostolique pour la foi. Rahner travailla dans la Sous-commission, constituée le 14 mars 1964, pour statuer sur le rapport entre l'Écriture et la Tradition.

La troisième période du Concile du 14 septembre au 21 novembre, délibéra encore une fois les textes en rapport à ceux que Rahner s'était engagé à écrire. Sur l'Église (15 septembre), sur la Vierge Marie, désormais placé comme le chapitre VIII du texte sur l'Église (16 septembre), sur la Révélation (30 septembre) et sur l'Église dans le monde de ce temps (20 octobre).

Particulièrement dans le cas du thème de l'inerrance de l'Écriture (dans le schéma sur la révélation) et dans la précision de l'orientation théologique fondamentale et de l'exposition de l'image chrétienne de l'homme dans le texte sur l'Église dans le monde de ce temps, la collaboration de Rahner fut significative. Concernant le schéma sur la Révélation, on se référera au schéma alternatif (après le blocage du schéma de la curie de 1962) qui fut appuyé par les conférences épiscopales allemandes, Belge, hollandaise et autrichienne. Ce schéma prenait une nette position contre la théorie des deux sources de la révélation qui suscita des discussions incendiaires au début du Concile.

La quatrième période du Concile commença le 14 septembre et prit fin le 8 décembre 1965. À partir du 21 septembre, la discussion se concentra sur l'immense texte de l'Église dans le monde de ce temps. Rahner collabora du début à la fin, prenant la parole et cherchant à montrer et justifier les principes d'une anthropologie théologique, qui à son jugement aurait dû être à la base du futur document. Invité à la réunion de la Sous-commission centrale du 10-12 septembre 1964, il fit remarquer que le texte souffrait d'une déficience anthropologique, « l'homme image de Dieu », un manque de clarté sur le rapport entre la nature et la grâce, et demanda d'expliciter la relation entre l'ouvre rédemptrice du Christ et la présence du péché dans le monde. la marque de Rahner est plus perceptible dans le premier chapitre sur la « vocation de l'homme » et il ne manque pas aussi d'autres observations et suggestions dans les autres chapitres, insistant que le futur document, ne bloque pas la recherche, mais chercher à la prévoir, à la stimuler et à poser les prémisses pour un dialogue fécond avec le monde. et se confier au futur avec humilité et confiance en Dieu et en l'homme son image.

À ces esquisses de l'ouvre de Rahner au Concile, on pourrait enfin ajouter la discussion autour de la rénovation de la doctrine sur l'indulgence. Le Patriarche Maximo IV, les cardinaux Alfrink, Döfner et König, soutinrent dans cette circonstance la théologie de Rahner sur les indulgences. Et on trouvera effectivement plusieurs idées de Rahner dans la Constitution Indulgentiarum doctrina , émanant du Pape Paul VI le 1 er janvier 1967 .

En conclusion , on ne doit pas chercher méticuleusement dans les textes conciliaires l'influence de Rahner dans les points particuliers. K. Neufeld affirme, non sans raison, que dans certains textes comme, celui de la communication, sur l'Église, sur l'éducation chrétienne, sur la liberté religieuse, les traces de Rahner sont rares. Mais dans les autres textes, à commencer par la Constitution sur la Sainte Liturgie, sont présentes la veine rahnérienne. Sans doute ses publications sur l'Église et les Sacrements, épiscopat et primat, Révélation et Tradition, inspiration de la Sainte Écriture et sur le diaconat furent importantes pour les évêques comme pour les théologiens conciliaires. Et il faut avouer aussi que Rahner était en syntonie avec plusieurs théologiens conciliaires de sa génération, désireux apporter une touche nouvelle à l'Église, un changement substantiel. Ainsi, on ne peut dire que l'insertion déterminante au Concile soit l'ouvre du seul Rahner. Par exemple, depuis 1947, Rahner avait désigné l'Église comme Sacrement, c'est-à-dire, comme signe efficace pour le salut du monde. Mais ce concept a été aussi utilisé par d'autres théologiens et le fait que le concept ait été assumé par le Concile pourrait être attribué seulement à Rahner ?

Bref, c'est par amour de l'Église que Rahner s'est engagé pour le Concile. Rahner travailla pour le Concile jusqu'à l'épuisement affirme Vorgrimler . Certaines voix traditionalistes de la curie romaine considéraient quelques enseignements de Rahner comme «  hérétiques  ». Et, Contrairement à ces affirmations, le Cardinal Lehmann souligne que le théologien jésuite est toujours resté enraciné dans le terroir de l'Église. C'est pourquoi, nous terminons avec cette belle et pertinente profession de foi ecclésiale de Rahner. Six ans avant sa mort, Rahner publia «  Le discours de Saint Ignace de Loyola à un jésuite d'aujourd'hui  ». Se cachant derrière la figure du fondateur de la Compagnie de Jésus, Rahner écrit un des textes les plus personnels, « en forme de testament », un texte qui jaillit de l'âme. En cette matière on trouve en synthèse, là où Rahner fait parler Saint Ignace sur son ecclésialité, directement en plus haut degré, l'élément autobiographique sur la relation avec l'Église de ce jésuite. La citation est longue, mais elle mérite d'être méditée : « Je n'ai nullement honte de mon sens et de mon attachement ecclésiastique. Par toute ma vie de converti je voulais servir l'Église, encore que ce service concernât en définitive Dieu et les hommes et non pas une institution qui se rechercherait elle-même [.] Bien évidemment, pour moi l'Église est aussi, dans cette histoire, une Église concrète, socialement constituée, une Église des institutions, de la parole humaine, des sacrements tangibles, des évêques, du pape de Rome, l'Église hiérarchique, catholique, romaine. Et quand on me désigne comme homme d'Église, ce que je confesse comme allant de soi, on pense précisément à l'Église dans son aspect institutionnel tangible et dur, l'Église officielle et hiérarchique avec toute la connotation plutôt péjorative que comportent aujourd'hui ces termes. Oui, j'étais et je voulais être un homme d'Église et je ne me suis jamais trouvé, pour autant, dans un conflit absolu avec la radicale immédiateté du Dieu de ma conscience et de mon expérience mystique. [.] L'Église fut et restait pour moi la transparente à la visée de Dieu et le lieu concret de mon rapport indicible avec le mystère éternel. Voilà la source de mon sens ecclésial, de ma pratique de la vie sacramentelle, de ma fidélité envers la papauté, du caractère ecclésiastique de ma mission qui consistait à aider les âmes." .

Rahner avait une conscience vive de l'ecclésialité de la théologie : « l'ecclésialité a toujours été un trait de la théologie chrétienne ». La théologie est la réflexion responsable sur la foi de l'Église ou bien elle ne reste plus théologie et une théologie n'est intéressante que si elle est une réflexion - même si elle est naturellement critique - sur la foi d'une Église, qui procède à partir de sa foi. Ainsi le théologien ne peut donc pratiquer une théologie ecclésiale qu'en prenant toujours à neuf le risque d'une non-ecclésialitéle non-voulue .

À la mort de Rahner, le cardinal König, archevêque de Vienne, a déclaré que Rahner « avait une sensibilité particulière pour les problèmes de l'Église, de la société et des hommes de notre temps », et qu'il apporté une contribution essentielle au dialogue de la théologie et la pensée contemporaine. Ses critiques théologiques étaient toujours « inspirées par son amour de l'Église » ; dans son dernier ouvrage, intitulé, Bekenntnisse (Confession : Regard sur 80 ans écoulés) , il a écrit : « Je suis catholique, prêtre et jésuite, normal, pour lequel son appartenance à l'Église est une composante essentielle de sa relation avec Dieu lui-même dans l'amour, la foi et l'espérance. La question stupide sur la raison pour laquelle je reste encore dans l'Église me retourne l'estomac ». Et le cardinal Poupard a affirmé, dans la même occasion, que Rahner était « sans conteste l'un des hommes qui auront le plus marqué la théologie de notre temps dans son dialogue avec les hommes d'aujourd'hui. C'est une grande figure du Concile qui disparaît, et aussi de la Commission Théologique Internationale » , a-t-il affirmé.

 

Grégoire Marie KIFUAYI, sdb

kifgrema@yahoo.fr

Via, N. Zabaglia, 2

00153 ROMA

ITALIA

Le Pape J. Ratzinger a célébré une messe solennelle (8 décembre 2005, Basilique Saint Pierre, à Rome) à l'occasion de la célébration de la solennité de l'immaculée conception et du XL e anniversaire de la clôture solennelle du Concile Vatican II.

Sur l'influence de Rahner au Concile Vatican II, on pourra se reporter aux ouvrages et articles qui suivent, et dont notre étude s'inspire largement : Ch. Müller et H. Vorgrimler , Karl Rahner , Paris, Fleurus, 1965 ; K. H. Neufeld , Hugo e Karl Rahner , San Paolo, 1995 ; M. Schulz , Incontro con Karl Rahner , [Trad. de l'allemand], Lugano, Eurpress, 2003 ; H. Vorgrimler , Karl Rahner. Vita, pensiero, opere , [Trad. de l'allemand], Roma, Edizioni Paoline, 1965 ; H. Vorgrilmer , Comprendere Karl Rahner. Introduzione alla sua vita et al suo pensiero , [Trad. de l'allemand], Brescia, Morcellina, 1987 ; A. Raffelt et H. Verweyen , Leggere Karl Rahner , [Trad. de l'allemand], Brescia, Queriniana, 2004 ; A. Marranzini , « Karl Rahner e il Concilio Vaticano II », in Rivista del Clero italiano , (1984) 622-634.

 Cf. K. Rahner , « Kirche der Sünder », in Schriften zur Theologie(SzT) , Vol. VI, 6, 301-304, 308s.

« La définition dogmatique de l'Assomption de la T. S. Vierge Marie », in Documentation Catholique (DC) , 1081/1950, Col. 1525-1530.

Plusieurs des écrits de Rahner sur la mort et le développement des dogmes dérivent de ce manuscrit.

Cf. K. Rahner , Bekenntnisse. Rückblick auf 80 Jahre , München, Herold, 1984, 22.

« Condamnation des erreurs touchant la concélébration », in DC , 1186/1954, col. 1428-1431.

Cf. K. Rahner , Im Gespräch , herausgeben von Paul Imhof und Hubert Biallowns , München, Kösel, II, 1982-1983, 217.

Cf. K. Rahner , « Virginitas in partu », [Trad. de l'allemand], in Écrits Théologiques , VIII, 161-199.

Cf. K. Rahner , « Löscht den Geist aus », in SzT , Vol. 7, 81, 86.

Cf. K. H. Neufeld , Hugo e K. Rahner, [Trad. de l'allemand], San Paolo, 333.

Cf. K. Rahner , « La foi du prêtre aujourd'hui », in Évangéliser , Mars-Avril, 1963.

L'imposition de la pré-censure toucha profondément Rahner, tant il se demandait quelle chose exactement ne plaît pas dans ses publications. Dans une lettre à son étudiant, le théologien H. Vorgrimler, il déclarait : « J'ai déjà déclaré que simplement que maintenant je n'écris plus rien. ».

DC , 1330/1960, col. 705-710.

DC , 1368/1962, col. 97-104.

DC , 1370/1962, col. 228-229.

Cf. B. Sesboué , Karl Rahner , Paris, Éd. du Cerf, 2001, 24.

Sur la collaboration de Rahner au Concile Vatican II, voir aussi, G. Wassilowsky , Universales Heilessakrament Kirche. Karl Rahners Beitr ag zur Ekklesiologie des II. Vatikanums (ITS), Innsbruck, 2001.

K. Rahner , Le courage du théologien. Dialogues publiés par Paul Imhof et Hubert Biallowons , [Trad. de l'allemand Par J. P. Bigot ], Paris, Éd. du Cerf, (Coll. « Théologies »), 1985, 45. Rahner reconnaît d'ailleurs qu'il en a été assez absent pendant les deuxième et troisième sessions.

K. Lehmann , « Karl Rahner », [Trad. de l'allemand par M. Hayaux ], in R. V. Guth et H. Vorgrimler (dirs), Bilan de la théologie au XX° siècle . Tome II, Tournai : Casterman, 1971, 841.

Cf. H. Vorgrimler , Comprendere Karl Rahner , op. cit. , 126-127.

Cf. K. Rahner , Bekenntnisse , op. cit ., 27.

K. Rahner, Bekenntnisse , op. cit ., 26.

K. Rahner , « I cristiani anonimi », in Nuovi saggi , Roma, Edizioni Paoline, 1967, 759-772 ; « Criastismo anonimo e compito missionario della Chiesa », in Nouvi saggi , Roma, Edizioni Paolini, 619-642.

Lumen Gentium, 8 ; 13 ; 16 ; Ad Gentes, 7 ; NA, 1.

Après la fin de la première période conciliaire le 8 décembre 1962, le travail de commissions continua dans les différents pays et à Rome. En février 1963, Rahner est nommé officiellement « peritus et membre » d'un groupe d'experts formé de 7 théologiens qui devaient élaborer un nouveau texte sur l'Église. Tandis que dans la première période il prit part aux congrégations générales, dans les autres, il resta presque toujours au collège Germanique pour travailler intensément au service des différentes commissions et en particulier du cardinal König ( Bekenntnisse , 10). Aux séances des commissions, sa présence fut constante. Cependant, affrontant un travail épuisant par les discussions, le remaniement des textes, la révision des modes, la rédaction des rapports, il acceptait aussi de nombreuses invitations pour des conférences publiques ou réservées à des groupe d'évêques sur des questions un peu embrouillées et enchevêtrées.

Conferentia episcopalis germanica, Adnotationes criticae ad schema De Ecclesia , in Acta Synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II , I, IV, Typ. Pol. Vat., 1971, 602-639.

K. Rahner , J. Ratzinger , Episcopato e primato , [Trad. de l'allemand], Brescia, Morcelliana, 1966.

H. Vorgrimler , Comprendere Karl Rahner , op. cit ., 132. 

DC , 1487/1967, col. 197-222.

H. Vorgrimler , Comprendere Karl Rahner , op. cit ., 133.

K. Rahner , Discours d'Ignace de Loyola aux Jésuites d'aujourd'hui , [Trad. de l'allemand par Ch. Ehlinger ], Paris, Éd. Le Centurion, 1979, 45-47.

Cf. K. Rahner , « Considérations sur la méthode en théologie », in Y. Tourenne, La théologie du dernier Rahner. « Aborder au sans-rivage » , Paris, Éd. du Cerf, (Coll. « Cogitatio Fidei », 187), 414-415.

Cf. Documentation Catholique , 1873/1984, 497-498.

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