|
« LA JOURNEE DE LA FEMME»
ou les enjeux oubliés
Nous venons de célébrer, comme tous les 8 mars, la Journée Internationale de la Femme. Nous n'avons cependant pas le droit d'en faire une simple habitude culturelle, l'occasion de quelques dépenses, quelques cadeaux, et pas davantage.
1. La conscience du problème de la femme
La fête de la femme pourrait bien être simplement un alibi masculiniste pour justifier ou passer sous silence les violations des autres 364 jours de l'année. Nous entendons tous par cette fête mettre au centre de notre célébration et de notre vie nos mères, nos épouses, nos filles et nos soeurs. Il s'agit de parfaire une reconnaissance incomplète, de réparer nos manques d'attention face à la figure féminine. Naturellement, on sera souvent tenté de penser que ceci est une leçon d'humilité pour les hommes, je veux dire pour le sexe masculin, mais ce serait une erreur puisque souvent les persécutions, le mépris et les complexes qui soumettent la femme ne sont pas l'apanage des hommes. Nous allons y revenir plus loin.Que ce soit en Afrique, dans le Tiers-monde ou dans les pays occidentaux, les catégories les plus fragiles continuent de subir la pression et l'exploitation des plus forts, des plus favorisés. Nous aurons l'occasion, espérons-le, de constater que ce traitement sous une autre forme au moins, affecte également des hommes, les maris, selon la logique populaire qui consiste à déshabiller l'un pour habiller l'autre. Mais nous parlons aujourd'hui de la femme. Grâce à de nombreux mouvements de libération et d'émancipation, certaines traditions et un certain fardeau, certaines tortures, semblent diminuer significativement dans certaines parties du monde. À côté des femmes particulièrement intéressées à ce problème, on trouve aussi de nombreux hommes de toutes les classes sociales, de différentes appartenances religieuses, qui combattent, protestent, et oeuvrent pour un changement de mentalité et de traitement vis-à-vis de la femme. D'ailleurs, on parle ces derniers temps de l'alternative naissante du matriarcat qui, sous certains aspects, n'est pas étranger à la crise actuelle de la paternité dans toutes les sociétés de mentalité occidentale. À titre d'exemple, il suffit de visiter certaines familles dans nos villes d'Afrique et d'ailleurs pour constater le poids etl'importance de la présence maternelle pour la gestion quotidienne de la vie familiale, et pour l'orientation éducative des enfants. Mais à l'occasion de cette Journée Internationale, il faut reconnaître que beaucoup reste à faire. En constatant quelques aspects de certaines de nos cultres, on dirait d'ailleurs que tout reste encore à faire. Cette journée nous interpelle également en tant que communauté ecclésiale, puisque c'est l'occasion de méditer sur le problème, selon sa réalité et selon sa véritable valeur et ses dimensions, afin de nous amener à traduire dans le concret cette égalité et cette différence complémentaire entre les sexes que plusieurs ne souhaitent trop souvent que par suivisme éphémère dénué de toute conviction d'ordre anthropologique et chrétien.
2. La condition de la femme dans le monde antique
En dehors de certaines exceptions et de certaines périodes qui ont vu le développement du matriarcat de façon différemment articulée selon les cas, la supériorité et le privilège de l'homme ont toujours pesé sur le monde féminin sans aucun appel. La révélation biblique apporte une lumière sur ce thème. Le péché originel et ses conséquences dévastatrices nous en fournissent une bonne explication. Dans un monde dominé par l'égoïsme, il est naturel que prime la raison du plus fort. Et puisque la nature a très souvent donné à l'homme une stature physique ordinairement plus imposante, une ossature plus robuste, une masse musculaire plus développée, il en a profité pour faire régner sa "raison". Étant déjà "désavantagée" par sa constitution - j'en doute personnellement -, la femme verra s'aggraver sa situation puisqu'elle est aussi objet - et provocatrice- du désir de l'homme, devient facilement sa proie, en même temps qu'elle a besoin d'être défendue par lui, protégée du regard et des appels des autres hommes. C'est à partir de cette équivoque que l'on comprend certaines différences comporte-mentales entre les deux sexes.
C'est ici également que certains signent de façon définitive la négation de la parité entre l'homme et la femme, alors même que cette situation confère à cell-ci un pouvoir indéniable. Toujours sur la base de la force physique, l'homme s'est également réservé le pouvoir de gouverner, de soumettre les autres à travers la guerre et la violence sous toutes ses formes, le pouvoir de se rendre patron de l'économie, tant au niveau familial qu'au niveau du réseau social. C'est un pouvoir autrefois incontesté qui grandit et se consolide à travers les siècles et les millénaires, devenant une culture assimilée par tous, considérée à la longue com-me normale - par les hommes comme par les femmes - jusqu'au point de devenir une norme sociale. Il semble d'ailleurs que les Grecs rendaient grâce aux divinités pour trois raisons fondamen-tales : pour être Grecs et non barbares, libres et non esclaves, hommes plutôt que femmes. La femme n'avait qu'à se résigner à sa condition perpétuelle de subalterne. 3. Coupable ou responsable
En dévorant l'un des plus récents livres du psychologue et rabbin Kushner sur ce que je pourrais appeler la normalité de l'imperfection humaine, je me suis rendu compte que le récit de la Création et tout spécialement l'épisode de la Chute et du péché originel nous révélait quelque chose de bien plus fondamental que la culpabilité humaine : au lieu de lire les conséquences de la liberté humaine comme châtiment d'un Dieu incapable de pardonner - ce qui est incohérent, on voit bien - pourquoi ne pas découvrir la pédagogie de Dieu qui accorde à l'homme et à la femme le droit à l'erreur, l'occasion d'apprendre à assumer leurs responsabilités? La "femme", Eve, a compris le "jeu". Elle est la seule qui avouera qu'elle s'est faite avoir. L'homme lui, se dérobe, donnant raison à la tactique du Serpent qui avait compris qu'une fois la femme conquise, l'homme n'était plus vraiment un obstacle. Mais une telle interprétation ne plaît guère... Certains (hommes) continuent de se "laver les mains", tenant la femme pour "responsable" du péché originel, criant ainsi haut et fort leur propre "irresponsabilité". Et voici à quoi cela a conduit... |