Salésiens de Don Bosco - Afrique Tropicale Equatoriale

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SDB ATE 2005-2006

Réflexion sur la fête de Noël pour les jeunes
Père Alphonse Owoudou

Il me paraît intéressant de proposer aux jeunes une réflexion sur la fête de Noël à partir de quatre thèmes relatifs aux messages de ce temps fort de la liturgie. Le premier concept est relatif à l' échange entre Dieu et les hommes, le second tourne autour du silence de la nuit , ensuite la provocation au partage et enfin un partage orienté vers la paix et le salut auxquels aspirent les jeunes et l'humanité tout entière.

Échange merveilleux

L'une des antiennes principales de la liturgie de Noël alimente notre imagination au sujet de l'intervention de Dieu dans l'histoire. "O admirabile commercium!" chantait-on en latin. La traduction littérale est tout à fait insupportable: O admirable commerce! L'enfant Jésus n'avait rien à voir avec quelque commerce que ce soit. Au contraire, il est né dans le cadre d'une simplicité et d'une pauvreté qui nous obligent à nous incliner devant la gratuité du don et de la Providence, comme le font les coeurs simples, les bergers de Bethléem. L'expression peut donc se traduire comme on le fait si bien dans la liturgie : "O merveilleux échange!" Cette expression nous rappelle tout d'abord la présence réelle du Seigneur qui vient dans le monde, renversant les valeurs des conceptions philosophiques et métaphysiques de Dieu. Mais elle nous révèle surtout l'atmosphère de l'amitié, de la gratuité dans le don réciproque et total auquel Dieu invite son partenaire humain. Noël devient alors l'emblème par excellence à la fois de la présence et de l' échange . Au terme d'une longue attente, celle de l'Avent, celle de tout être en croissance ou tendu vers un idéal, la fête de Noël indique que Quelqu'un vient à la rencontre de ceux et celles qui cherchent et qui espèrent, qui ouvrent leurs maisons comme ils ouvrent leurs coeurs et leurs mains. C'est Celui qui vient colmater notre solitude et apporter la chaleur de sa présence, nous révéler que nous sommes frères les uns des autres et que nous sommes fils de Quelqu'un qui sera « avec nous » et jusqu'à la fin du monde. Dieu n'est donc plus un Dieu lointain, un Dieu plus « vieux » que le monde, le Dieu des vieux aussi, le Dieu que l'on met entre parenthèses pour plus tard. Comme une roue de secours... Saint-Augustin dit d'ailleurs, au nom de tous les jeunes qui cherchent le Dieu incarné, qu'on le trouve finalement tellement près de nous qu'on ne peut que constater que depuis toujours, il s'est fait « plus intime en nous que nous-mêmes ». C'est peut-être ce Dieu-là que nos enfants cherchent: un Dieu fait homme, enfant, adolescent, jeune, pour prendre place dans la vie et dans la maison de chacun, sans attitudes encombrantes, prétentieuses, sophistiquées et inaccessibles.

Dans le silence de la nuit

Le miracle de Noël ne consiste pas simplement dans le fait que Dieu se fasse homme. C'est aussi son choix d'assumer la pauvreté humaine afin qu'en embrassant la nature des hommes, il leur offre une chance d'assumer sa propre condition divine. "Et le verbe s'est fait chair... À ceux qui l'ont accueilli, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu" (Jean 1). Nous savons comment cela s'est passé concrètement: les évangélistes racontent qu'il est né dans le silence de la nuit. Condition également emblématiques et significative. En effet, Dieu ne se révèle que dans la discrétion, Il n'est reconnaissable qu'à ceux et celles qui savent adopter un silence intérieur et se laisser conduire par la « raison de la foi». Dieu n'emprunte, pour ainsi dire, que le bateau qui se laisse guider au gré de son courant et de son souffle...

Dieu vient dans la nuit, comme l'Epoux... Sa présence est discrète mais infiniment active. Présence de celui qui donne tout, comme disait le Saint-Père lors de sa messe inaugurale, et qui n'enlève rien de ce qui est bon pour les jeunes, pour l'homme d'aujourd'hui. C'est la conscience d'un tel visage divin qui a permis à Jean-Paul II de dire aux jeunes et à l'Eglise tout entière que nous n'avions aucune raison d'avoir peur, qu'on ne doit pas hésiter à ouvrir toutes grandes nos portes à Celui qui vient. Cela présuppose naturellement que l'obscurité de notre coeur cède la place à la lumière de sa présence, et que notre coeur en quelque sorte lui appartienne. Son échange est total ; Dieu ne dit jamais oui à moitié. Il ne s'agit pas d'un commerce où l'on donne des choses en échange pour d'autres choses, mais tout se passe comme en amour, en amitié totale, quand la gratuité nous entraîne à la folie de tout donner, de se donner, d'appartenir au lieu de posséder. Et pour combler la soif religieuse des jeunes aujourd'hui, il convient peut-être de souligner cette exigence difficile mais indispensable d'une expérience religieuse authentique qui arrache au ciel la grâce de ne jamais se limiter à « quelque chose »: une prière, un acte de charité, de bonnes habitudes « catholiques ». Mais la grâce de plonger tout entier dans le climat de l'échange et de la « folie » par laquelle Dieu se donne et nous attend.

La provocation au partage

Ne pas se limiter à échanger « quelque chose » et se rendre disponible à accueillir la « provocation » de Dieu, cela implique de prendre au sérieux sa confiance et de vivre un peu comme Lui, et envers tous, les deux dimensions de la présence et de l' échange . « La lumière à resplendi dans les ténèbres » mais à cause du tourbillon des tentations de la vie moderne très peu attentive aux valeurs de cet échange, il y a toujours le risque que « les siens » refusent de l'accueillir ou de le reconnaître, comme le déplore l'auteur du quatrième Évangile dans son prologue. En d'autres termes, parents et jeunes d'aujourd'hui, nous courons tous le risque de célébrer Noël, de céder à la fascination de cet événement, seulement pour un instant; et ensuite rester parfaitement imperméables à la signification authentique et aux conséquences existentielles de cet avènement. Au contraire, accueillir la lumière de Celui qui est venu, accueillir la nuit de Noël, c'est entrer dans une lumière différente, accepter l'invitation à devenir présents à notre tour dans la vie de ceux qui nous attendent, qui sont dans la nuit, qui ont les mains ou le coeur vide. Nous avons accueilli la provocation d'une naissance destinée à annoncer la paix et proclamer le salut. Cela veut dire que la foi chrétienne que nous avons professée configure notre vie pour devenir écoute, disponibilité, attention, chaleur humaine, délicatesse, solidarité. Dans le silence, sans encombrer ni envahir, donc exactement comme la vie de Jésus qui s'est livré entre les mains des hommes. Il a été un enfant en chair et en os, s'abandonnant ainsi aux soins de ceux qui l'aimaient, mais aussi à la persécution des ceux qui le voulaient hors d'état de nuire.

Partager la paix et le salut

Le message des anges à la naissance de Jésus nous révèle que la vocation des "artisans de paix", des hommes et femmes de bonne volonté est la seule attitude qui distinguera les disciples du Christ, engagés dans un échange vital où l'on grandit dans la mesure où l'on accepte sa propre fragilité, où l'on s'enrichit dans la mesure où l'on se fait don total, où l'on devient fils de Dieu à force d'être frère des hommes. Si la mission de l'Eglise aujourd'hui retrouve un dynamisme nouveau à travers des initiatives de volontariat des jeunes, ce n'est pas simplement un indice de la volonté humaine de s'ouvrir à de nouveaux horizons et explorer d'autres dimensions de la condition humaine. Il s'agit également de la prise au sérieux, de la part de nombreux jeunes d'aujourd'hui, de l'axiome paulinien selon lequel la véritable liberté consiste à se mettre au service des autres, à parier pour une cause qui en vaille la peine (Gal 5). Le témoignage de plusieurs jeunes « sentinelles du matin » nous aide à comprendre qu'au-delà du sacrifice qui fait grandir, nombreux parmi eux sont ceux et celles qui apprennent à la lumière des héros de l'humanité et de l'Eglise la beauté de s'engager dans la réciprocité sous la forme d'un engagement qui réponde aux besoins d'autrui, convaincus que la réalisation d'un être humain n'advient jamais dans l'isolement, dans l'enfermement égoïste au cour d'une tour d'ivoire. En ces jours où certains continuent de croire en la globalisation et en la naissance d'un monde sans barrières, nous sommes appelés à militer, au nom de cet enfant, pour la naissance d'une humanité plus solidaire, plus honnête et plus consistante dans ses élans de partage et de gratuité.

Tout autour de nous, il n'y a pas que des exemples de générosité et de gratuité. Il y a même trop de tentations de fermeture, d'exclusion, d'absentéisme et d'indifférence; trop de tentations de tirer son épingle du jeu et ne s'occuper que de ses propres affaires. Trop de structures et de personnalités planifient leur vie ou leur modalité opérative sur la base d'une telle attitude réductrice, démissionnaire et suicidaire. Au nom de Noël et de l'enfant-Dieu, au nom de tous les enfants et jeunes qui ont droit à un avenir de paix, de santé et de bonheur, nous devons croire que l'annonce des anges nous oriente vers une expérience faisable, à portée de notre volonté, et non pas vers un cadre nostalgique autour d'un paradis perdu ou d'un salut hypothétique. Les anges nous révèlent que l'événement de Noël, en même temps qu'il désigne la naissance de Dieu parmi les hommes, appelle les hommes à se mettre en phase avec la gloire du ciel et la paix que Dieu envoie à ceux et celles qui savent l'accueillir et qui sont prêts à la répandre dans un monde qui plus que jamais attend le Prince de la paix, a besoin de sécher ses larmes, d'enterrer la hache de la guerre et endosser les armes de l'amour, en réponse humaine à la gratuité de Dieu qui nous a aimés le premier et nous a donné son Fils, fils de Marie de Nazareth.

Joyeux Noël à tous.

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