Don Bosco nous enseigne à oser un autre regard sur les jeunes
Père Alphonse Owoudou
Toute la Famille salésienne s'apprête à célébrer la fête de Don Bosco, comme tous les ans, le 31 janvier. Je voudrais en profiter pour partager une remise en question et un encouragement qui me viennent ce soir, alors que nous faisons notre retraite mensuelle, prêchée par Don Midalli , de l'Université Salésienne de Rome (UPS).
A la fin de la retraite, le prédicateur nous a laissé une question : « Que serais-je aujourd'hui si je n'avais pas rencontré Don Bosco et ses envoyé(e)s ? ». Une telle question nous fait venir en tête de nombreuses hypothèses, surtout parce qu'en général, chacun de nous a dû tourner le dos à de nombreuses possibilités, soit par rapport au parcours académique, soit par rapport à l'orientation professionnelle et au contexte socio-culturel . Je ne sais pas comment répondre à une question de ce genre. Je trouve d'ailleurs absurde qu'une personne intelligente y prête une attention déterminée. Je crois plutôt que c'est une provocation à rendre grâce pour le chemin où Dieu nous a conduits, avec tout ce que cela implique à la fois comme bénédiction et comme responsabilité. Les autres possibilités ne sont pas plus que des « possibilités », avec très peu de consistance au fur et à mesure que chacun dénoue son destin réel sous le regard de Dieu et en compagnie des frères qui font chemin avec nous. Pour moi, c'est cela et rien de plus. A moins de trouver du temps pour construire des châteaux en Espagne, comme on dit, ou de m'éterniser dans des hypothèses sans aucune fécondité. Ceci dit, l'une des raisons pour lesquelles je suis infiniment reconnaissant à Dieu d'avoir inventé le charisme salésien, et d'avoir croisé mon chemin avec celui des fils et filles de Don Bosco, c'est la richesse et la promesse sans cesse renouvelée du message d'amour que lui, Dieu, a semé dans les intuitions du « Père de la Jeunesse ». Je parle cette fois uniquement de la fascination de notre défi éducatif en ces temps où éduquer devient une mission de plus en plus complexe.
Je remercie Don Bosco parce qu'à chaque fois que je rencontre des jeunes, des enfants, et que je suis tenté de ne plus y croire, de les étiqueter, de baisser les bras, il me remet sur le chemin. J'allais dire qu'il me remet « à ma place ». Quand moi, prêtre éducateur, ou toi, enseignant ou parent, nous nous plaignons de ce que nos enfants sont – et que parfois ils ne sont pas vraiment au fond, mais que nous avons été – Don Bosco nous révèle qu'il n'est pas trop tôt pour découvrir ce qu'est l'eau chaude ! Depuis quand, me demande-t-il, a-t-il jamais été facile d'éduquer ? Il y a environ 900 ans, on disait déjà : « La jeunesse d'aujourd'hui ne pense plus à rien : ces enfants ne pensent qu'à eux-mêmes, ils ne respectent plus les personnes âgées, ils ne se maîtrisent plus, ils savent tout, tu n'as plus rien à leur apprendre. Regardez nos filles, vides, vaniteuses et folles, sans modestie, insolentes et sans dignité… » (Pierre l'Ermite, 1095). Si nous allons un peu plus loin, beaucoup plus loin d'ailleurs pour bien comprendre ce qui se passe, écoutons ce que Socrate disait en se plaignant des jeunes. Nous sommes à 5 siècles avant JC : « Nos jeunes aiment le luxe, ils se moquent de l'autorité, devant un ancien ils ne se lèvent pas par respect… ». Faisons encore un pas en arrière, le dernier puisque cela peut suffire : « Ces jeunes sont pourris dedans, ils sont méchants et paresseux. Où va le monde ? ». Un texte babylonien d'il y a 4000 ans. Nous voici à 2000 ans après Jésus-Christ. Si nous avions un peu le sens de l'histoire – qu'on étudie d'ailleurs de moins en moins – nous ne tomberions pas dans la tentation de poser notre démission. Nous serions moins à la merci de pensées défaitistes et absolument infondées, et nous regarderions nos jeunes avec une sympathie telle que dans leur regard, nous retrouverions la nostalgie de notre propre jeunesse, et la volonté de donner une chance à l'avenir. Quelques phrases de Don Bosco semblent trop belles pour être prononcées aujourd'hui par le salésien que je suis, par le père et la mère que tu es, mais nous pourrions brûler d'un amour aussi fort que notre capacité chrétienne d'aimer, afin que nos jeunes soient ce qu'ils veulent être, mais avant tout qu'ils sachent non seulement qu'ils existent, mais avant tout qu'ils existent « pour » quelqu'un, et donc qu'ils peuvent à leur tour vivre « pour », et non « malgré », et non « contre ».
Nous reviendrons sur d'autres aspects de notre formidable mission d'éduquer selon Don Bosco. Je voudrais, pour conclure cette brève réflexion sur notre capacité de faire revivre Don Bosco aujourd'hui, vous proposer des paroles de Sabrine aux parents, puisque nous sommes entrés dans l'année dédiée salésiennement à la Famille. A la lumière donc de l'Etrenne 2006, nous redécouvrons que le Système Préventif ne saurait se vivre sans une collaboration entre la paroisse salésienne, l'école, l'Oratoire et la famille. Les parents de nos enfants sont nos premiers collaborateurs, des coopérateurs virtuels, sinon actuels. Voici des paroles qui exorcisent, sur les lèvres d'une adolescente, l'irremplaçable relation entre un(e) adolescent(e) et ses parents. Des paroles que tout parent, tout éducateur, devrait deviner dans le regard de ceux et celles qui font sa joie et parfois ses cauchemars.
Chers parents,
Avant tout je dois vous remercier pour tout le temps que je passe à vos cotés.
Vous êtes les personnes les plus généreuses qui aient jamais existé pour moi ;
la patience est l'une de vos qualités qui se distingue
surtout lorsque l'harmonie de notre famille a été secouée
par la violence qui hante notre monde.
Franchement, vous êtes les premiers,
les uniques et les plus sincères amis que j'ai :
j'ai la chance d'avoir des parents à qui je peux confier mes états d'âme sans rien craindre,
car j'ai remarqué que même quand je me trompe
– et vous savez combien de fois ! –
je suis certaine qu'à mes erreurs vous trouvez toujours une réponse et un secours.
Avec vous j'ai compris que la vraie vie ne consiste pas à accumuler
ou à revendiquer des choses comme je l'ai souvent fait,
mais à relever petit à petit les défis quotidiens de mon âge.
Vous m'avez appris à ne pas me résigner face à la dureté de la vie.
Grand-père m'a raconté
combien vous avez souffert pour devenir ce que vous êtes.
Vous auriez pu me le raconter vous-mêmes…
Je comprends maintenant mieux
ce que vous entendiez par « regarder l'avenir avec courage ».
Je considère que je suis extrêmement chanceuse
de vous avoir pour parents.
Je prie pour qu'un jour je réussisse à vous ressembler davantage.
Je vous souhaite beaucoup de sérénité ; Dieu sait combien je suis fière de vous.
Sabrine
- (hautdepage)
|