Salésiens de Don Bosco - Afrique Tropicale Equatoriale

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SDB ATE 2005-2006

« L’ENCHANTEMENT » DE LA VIE CONSACRÉE

Frère Álvaro Rodríguez Echeverría

INTRODUCTION

À la fin de ce Congrès International sur la Vie Consacrée, je vous remercie sincèrement de la participation de chacun d’entre vous. D’une manière tout à fait particulière et au nom de tous, je voudrais manifester notre profonde reconnaissance à la Commission Centrale et à toutes les Commissions pour leur travail exhaustif et excellent, ainsi que le travail réalisé par les Secrétariats de l’Union des Supérieur(e)s Généraux/Générales et du Congrès, de l’Équipe de « Facilitateurs » et de celle qui a préparé l’Instrumentum Laboris ; les réflexions avec les théologien(ne)s nous ont éclairés et l’apport de tous ceux qui ont collaboré, de près ou de loin, directement ou indirectement, à sa réalisation. Un merci particulièrement senti à Mgr Rodé, aux membres de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique et aux autres invités qui nous ont accompagnés.

Je voudrais faire une mention spéciale de ces religieux(ses) qui, dans le silence et l’anonymat, peut-être même dans la souffrance, avec leur vie sacrifiée et livrée à la cause du Royaume, sont en train de réaliser ce que nous avons dit ici et peut-être beaucoup plus. Leur apport n’a pas été moins effectif et profitable à l’heure de faire le bilan final et de tirer les conclusions. Eux et elles sont les signes du nouveau modèle ou paradigme de la Vie Consacrée que nous devons tous chercher et vivre.

Mes paroles, plus que des mots d’adieux, voudraient renforcer et projeter vers l’avenir le travail qu’avec tellement de dévouement, de sacrifice et d’espérance , nous avons semé durant la préparation et la réalisation du Congrès, afin d’en faire la réalité et l’objectif proposé : « Discerner ce que l’Esprit de Dieu est en train de faire surgir parmi nous pour répondre aux défis de notre temps et la construction du Royaume de Dieu. » [1] Bien que ce soit une tâche trop provocatrice, c’est le but que je voudrais viser, sans prétendre apporter des solutions définitives, afin que le travail de ce Congrès ne se réduise pas à quelques jours d’étude et de réflexion. Au-delà de son esprit et de sa lettre, l’Instruction Cheminer à partir du Christ m’encourage quand elle affirme que la Vie Consacrée, pour être l’expression du Seigneur ressuscité, doit « se développer et s’affirmer de manières toujours nouvelles » [2] Comment devraient-elles l’être et comment les rendre possibles ?

1. – « ENCHANTEMENT » ET « DÉS-ENCHANTEMENT »

Il me semble que notre plus grand défi soit de rendre à la Vie Consacrée tout son « enchantement ». Le mot « enchantement » se rapporte à tout ce qui produit une joie contagieuse, une forte attraction, une douce fraîcheur et un optimisme stimulant. Le mot éveille grâce et sympathie, imagination et fantaisie. De par sa nature, il fait jaillir force, enthousiasme et bonheur.

Par opposition à « enchantement », nous parlons de « dés-enchantement ». C’est tout ce qui produit frustration, monotonie, désillusion. Qui est ou se sent de quelque manière affecté par cela, adopte une attitude de « laisser passer » jusqu’à mettre en mains d’autrui des décision qui doivent se prendre personnellement. Le « dés-enchantement » produit ennui, fatigue, c’est comme la tombe des illusions et conduit, en certaines occasions, au regret de l’option prise un jour.

Nous vivons, en de nombreuses parties du monde, à une époque post-industrielle extrêmement complexe et plurielle. Le monde s’est digitalisé et globalisé. le pessimisme et le dés-enchantement, envahi par les problèmes sociaux et politiques qui se sont emparés de l’humanité, affectent également l’Église. La Vie Consacrée « est au cœur-même de l’Église comme unélément décisif pour sa mission » [3] C’est pourquoi l’Église n’est pas exempte de la crise d’ensemble dont nous souffrons. Comme le dit D. Aleixandre : « nous sommes en train d’éprouver la frustration de ne pas avoir réussi complètement à trouver par notre recherche la vie pleine à laquelle nous voulions engager notre vie ». Le défi se pose à nous tous, religieux/ses. Comment rendre possible la « maturation » de la Vie Consacrée pour qu’elle soit attractive et éveille sympathie, pas seulement pour être admirée, mais pour s’y engager, attirer l’attention, séduire et, surtout, être instrument de salut pour le monde ?

2. ÉLÉMENTS STRUCTURAUX QUI « ENCHANTENT »

À la manière de quelques coups de pinceau sur un coupon, je vais indiquer très brièvement quelques aspects qui peuvent contribuer à ce que la Vie Consacrée récupère son « enchantement », pour qu’elle soit « annonce d’un mode de vivre différent de celui du monde et de celui de la culture dominante » [4]

2.1. – La « fraîcheur » de la centralité de Jésus

L’élément fondateur de la Vie Consacrée a été, et continue d’être, la personne de Jésus-Christ et son message. On n’en a jamais douté. Le premier principe de rénovation proposé par le Concile est : « La rénovation adaptée de la Vie Consacrée comprend, à la fois, le retour continu aux sources de toute vie chrétienne ainsi qu’à l’inspiration originelle des instituts et, d’autre part, la correspondance de ceux-ci aux conditions nouvelles d’existence » [5]. Et à la suite, il l’explique ainsi : « La norme ultime de la Vie Consacrée étant de suivre le Christ selon l’enseignement de l’Évangile, cela doit être tenu par tous les instituts comme leur règle suprême » [6] . Je crois que nous avons tous fait un effort extraordinaire pour la récupération de nos charismes et de l’esprit de notre congrégation, mais je ne suis pas si sûr que notre règle suprême est l’Évangile.

Les deux icônes choisies par le Congrès comme centre de Réflexion, « la Samaritaine et le Samaritain » sont un signe plein d’espérance de ce qui doit occuper la première place en toutes Congrégations et Instituts. Le DT, en nous parlant du nouveau modèle de la Vie Consacrée qui est en train de prendre corps, recueille l’invitation du Concile à « reprendre l’Évangile comme première norme » [7] .On peut objecter que le charisme est destiné à manifester les différentes facettes ou richesses de Jésus-Christ, que rien ni personne ne peut embrasser dans sa totalité. C’est certain. Mais il y a beaucoup de différence entre prendre comme moyen ce qui est fin et comme fin ce qui est moyen.
Tous connaissent la fraîcheur et la nouveauté que possède toujours la personne de Jésus pour abandonner le vieux et assumer le neuf. Il invite à répondre à tous moments et en toutes circonstances, aussi bien personnelles que sociales, en accord à l’esprit de l’Évangile, et non à des paramètres pré-établis. Là encore, nous pouvons appliquer ces paroles : « À vin nouveau, outres neuves. » (Mc 2, 22). La figure de Jésus par elle-même éveille enthousiasme et conviction, plus que les charismes particuliers, bien que naturellement ceux-ci puissent aider à tourner le regard vers Jésus et à rester orienté vers Lui.

2.2.- « L’attrait » de la spiritualité

Le thème de la spiritualité est en relation avec ce qui précède. La personne de Jésus a éveillé en ceux qui l’ont connu et contemplé, une spiritualité déterminée. La spiritualité chrétienne n’est pas autre chose qu’assumer l’esprit même de Jésus pour parcourir le chemin que tout être humain doit faire vers Dieu. Quel est le trait qui attire plus l’homme et la femme d’aujourd'hui ? Un des phénomènes le plus évident est la soif de Dieu que le monde manifeste à travers mille formes et de multiples manières, à l’intérieur de l’Église, comme à l’extérieur. Tout être humain a une soif « dévorante de l’e [8]au vive », « de la rencontre avec Jésus » [9]. Mais nous devons reconnaître que toutes les voies ne conduisent pas de la même manière à la rencontre avec Dieu.

Saint Jean de la Croix parle de « mépriser » toute médiation qui s’entrepose entre nous et Dieu : « Si on ne les méprise pas, ils gênent l’esprit ; car l’âme s’entretient avec elles et l’esprit ne vole pas vers l’invisible ; c’est là un des motifs qui conduisit Jésus à dire à ses disciples qu’il serait meilleur qu’Il s’en aille, pour que puisse venir l’Esprit Saint (Jn 16, 7). De la même manière, après sa résurrection, il ne permit pas à Marie Madeleine de rester à ses pieds (Jn 20, 17) » [10] . Ne devrions-nous pas faire un changement substantiel dans notre style de prière ? En de nombreux cas, les formules et dévotions – qui deviennent répétitives et routinières – se sont substituées à la « fraîcheur » produite par la rencontre avec Dieu.

Le véritable mystique – à l’exemple de Jésus -- ne perd pas de vue l’histoire, mais il la rencontre ; il met en rapport sa vie spirituelle et religieuse avec la vie quotidienne et l’engagement envers le prochain ; il éprouve le monde et tout ce qu’il contient -- personnes et nature – comme une extension de soi-même et moyens par lesquels Dieu se manifeste. Celui qui expérimente Dieu en toutes choses, agira naturellement comme le fit Jésus-Christ, y compris tout spécialement les pauvres, en sa vie et comme faisant part de ses projets ; il centrera son existence, son entourage et la société, selon les critères de l’Évangile et vivra une vie simple.

2.3.- La « force » de la mission

L’attrait de la Vie Consacrée réside, plus qu’en elle-même, dans le style de vie et l’objectif spécifique de chaque Institut. La mission a écrit les plus belles et les plus vaillantes pages de son histoire. La Vie Consacrée, par sa nature même, ne doit pas être centrée sur elle-même mais sur sa désappropriation et son dévouement, comme Jésus, au service des plus vulnérables. Plus encore, « la vie consacrée elle-même devient une mission, comme l’a été la vie de Jésus tout entière » [11]. Continuer et collaborer au projet de Jésus, le Royaume, est le stimulant le plus efficace pour assumer volontairement et avec joie les épreuves et difficultés que le choix de la Vie Consacrée porte avec soi. Tout cela en vient à confirmer le dicton commun : « Qui veut la fin veut les moyens ». Celui qui est convaincu, en tant que religieux(se) de l’objectif fondamental de sa vie, surmontera tous les obstacles pour y arriver et sa présence joyeuse, optimiste et pleine d’espérance, sera le meilleur moyen de faire comprendre aux autres que cette vocation vaut la peine et donne sens à sa vie.

Les signes des temps, lus à la lumière de la foi, sont le meilleur moyen d’éveiller l’enthousiasme et l’attraction pour la mission et, par conséquent, pour une vie renouvelée et pour se mettre fidèlement à suivre le Seigneur. Rarement dans le cours de l’histoire l’humanité a dû souffrir une si profonde crise des valeurs. Et rarement aussi nous avons eu l’occasion, en tenant compte de l’Évangile et de notre collaboration pour le mettre en pratique, nous avons pu trouver un nouveau mode de Vie Consacrée qui réponde aux défis du monde actuel.

2.4. – Le « cri déchirant » en faveur de l’humanité

Un des aspects les plus inquiétant et affligeant pour les hommes et les femmes d’aujourd'hui est le manque d’humanité. La violence et le terrorisme, la faim et l’exclusion atteignent des niveaux alarmants. Le cri déchirant pour un monde plus juste et plus humain devient chaque jour plus fort et en même temps plus attirant, spécialement pour les jeunes générations, qui veulent lui apporter une réponse adéquate et le rendre plus humain.

Il est bien évident que nous, religieux, nous ne pouvons pas rester en marge de ce courant d’humanité qui engendre optimisme et espérance au milieu de tant de douleur et de souffrance. Il doit faire partie de nos structures, pas seulement en théorie, mais dans la pratique concrète. Nous devons être le visage de l’Église, porteurs de vie, comme le Samaritain, et manifestation d’un comportement humain, auquel le monde d’aujourd'hui est très sensible : «Les personnes consacrées rendent visible, par leur consécration et leur don total de soi, la présence amoureuse et salvifique du Christ… elles sont un prolongement de son humanité » [12].En certaines occasions, les intérêts structuraux prennent le pas sur l’humanité dont nous devons être porteurs et nous rencontrons certaines attitudes et une rigidité qui n’ont rien à voir avec l’Évangile ni avec la suite radicale du Christ.

Être humains ne veut pas dire rendre la Vie Consacrée « light », mais être capables de faire en sorte que la personne occupe toujours le premier rang, avant les normes établies ou des intérêts déterminés. Cela n’a jamais été facile. De là surgissent les véritables communautés où l’harmonie des idées et des idéaux conduit à l’unité et au partage. Le DT a quelques mots qui ont peut-être passé inaperçus et reflètent ce que nous disons : « Si l’on ne prête pas attention au substrat humain que doit soutenir la vie consacrée, il est facile de construire sur le sable » [13]. Les expériences des Fondateurs(trices) et de leurs collaborateurs, sont un exemple de ce que nous venons de dire. Aucune norme ou disposition ne les a unis, mais un idéal commun et le désir de réaliser un charisme qui a été considéré comme profitable à l’évangélisation et la présence de l’Église.

2.5.-L’«enchanteur » équilibre personnes-structures

La personne est la raison et le centre de la mission de l’Église, ainsi que l’affirme avec force PaulVI au terme de Vatican II. Aussi bien la morale que les sciences humaines sont d’accord pour considérer la personne comme la réalité la plus consistante ou le noyau frontal de toute réalité. Tout y converge et tout doit s’évaluer par la manière qu’il l’affecte, qu’il l’aide à se réaliser et à mûrir. Aussi bien dans les attitudes que les enseignements de Jésus, nous voyons ces principe devenir réalité. Ses paroles : « L’homme n’est pas fait pour le Sabbat, mais le sabbat pour l’homme » (Mc 2, 27), on n’y a jamais trouvé une exception. Jean-Paul II, en sa première encyclique, considérée comme le programme de son pontificat, affirma également très clairement : « L’homme est la première route que l’Église doit parcourir en accomplissant sa mission, il est la première route et la route fondamentale de l’Église, route tracée par le Christ Lui-même» [14].
Cependant, dans la pratique, cette route est pleine d’écueils. Dans notre apostolat nous condamnons, avec raison, les maux de la globalisation, la volonté que tous les peuples et toutes les personnes, sans tenir compte de leur culture, de leurs besoins et de leurs intérêts, doivent accepter une ligne politique déterminée, assumer certains critères économiques que les populations ni ne comprennent ni n’en sont les bénéficiaires… etc. La raison que nous en donnons, c’est que les droits de l’homme ne sont pas respectés, pas plus que la culture et l’individualité de la personne. Ces mêmes raisons doivent également marquer la vie et la structure de la Vie Consacrée. Il est facile de perdre l’équilibre, d’oublier que chaque personne est unique et irremplaçable et d’appliquer la « culture de contrôle », propre de la société moderne – comme le dit T. Radcliffe – à la vie consacrée [15].

Au moment de maintenir l’équilibre entre personne—structures, il faut aussi tenir compte de la décentralisation de la Vie Consacrée. Le style « eurocentrique » prédomine encore, ce qui équivaut à dire que l’inculturation de la Vie Consacrée est une tâche encore à réaliser. Il est important de respecter et d’accorder de la valeur aux multiples spiritualités et aux formes diverses de vivre la Vie Consacrée, à l’intérieur même des Instituts. La communauté ne se forme pas pour vivre sous le même toit,, mais pour participer aux mêmes objectifs avec les qualités et la culture de chacun. C’est en ce sens qu’il est nécessaire de laisser sa place à la spiritualité orientale et celle des continents émergents nous aide à pénétrer plus profondément l’Évangile, ouverts, en même temps, à nous enrichir par le dialogue æcuménique et inter-religieux , conscients, comme Pierre que : « Dieu ne rejette personne, mais il accepte celui qui le respecte et agit avec droiture, de quelque nation qu’il soit » (Act. 34-35) ? ? ? ? ? ? !NON ! N’existe pas !


CONCLUSION

Aujourd'hui plus qu’hier nous avons besoins d’inventer, d’innover et d’avancer dépouillés (Gabriel Ringlet)

Inventer, les réponses nouvelles qui correspondent aux changement sociaux, économiques et politiques des peuples dans lesquels nous nous sommes incarnés, spécialement attentifs à tous ceux qui sont exclus des bénéfices de la globalisation, aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres.
Innover, nos structures de rencontre avec Dieu, nos structures de vie communautaire, de service à nos semblables, de vie professionnelle partagée avec les laïcs.
Et avancer dépouillés, à la suite de Jésus-Christ et avec le feu de sa passion. Conscients que rien de tout cela ne se vivra de manière authentique, si nous ne nous ouvrons pas, en attitude de conversion, à la puissante action de Dieu Père Fils et Saint-Esprit qui rallume dans nos cœurs la passion pour l’humanité.

Structurer la Vie Consacrée autour des éléments indiqués n’est pas chose facile. Ça nous éloigne peut-être des lieux où nous nous trouvons en sécurité pour nous renvoyer à la quotidienneté. Mais rappelons-nous que c’est là que la Samaritaine et le Samaritain rencontrèrent l’attrait et la nouveauté de Jésus. Et à travers la vie quotidienne également – vécue dans le style et l’esprit évangélique -- nous pouvons rendre à la Vie Consacrée son « enchantement ».


LA VOIX DES PARTICIPANTS
Les thèmes des groupes d’étude étaient au nombre de 15. Ils constituent dans leur ensemble un « contrôle » des signes de vitalité ou, au contraire, des blocages que la VC connaît aujourd’hui. Des résumés - présentés dans l’assemblée et remis aux participants avant la conclusion - émergent des signes de vitalité, des obstacles, des convictions et des lignes d’action, bien qu’il soit impossible de condenser en quelques lignes la richesse du débat et des contributions des groupes.
1. Il faut une transformation structurale de notre vie et de nos œuvres, des structures plus légères et simples, des communautés ouvertes et accueillantes pour globaliser une solidarité « pleine de compassion » et un réseau de justice, au service d’une culture de la paix, afin que les pauvres puissent être écoutés.
2. Le dialogue avec les cultures appartient à la mission la plus profonde de la VC. Il y a beaucoup de signes de vitalité de la VC dans le monde, à travers lesquels elle continue à avoir un sens : la croissance des congrégations multiculturelles, internationales ; même dans la formation initiale, l’accent est mis davantage sur la culture d’origine ; le Congrès lui-même représente un signe d’ouverture, de partage. Il existe également des obstacles qui empêchent l’inculturation, par exemple la difficulté d’exprimer l’élément affectif dans le culte et dans les différentes expressions de la foi.
3. Les pauvres, les cultures et les religions font l’objet d’un triple dialogue que la VC doit savoir conduire. Dans un grand nombre de contextes, le christianisme est perçu comme étranger, comme une religion importée. La fragilité même de notre foi, nos blessures, l’esprit de domination sont des obstacles au dialogue. Il en est de même pour le fondamentalisme répandu dans beaucoup de zones culturelles et religieuses. Le dialogue doit devenir un choix, un style de vie. Nos communautés doivent être des lieux de réconciliation et de pardon.
4. L’art et la beauté sont des images pour toutes les cultures. Les artistes aideront les communautés de VC à faire obstacle à la mentalité de la société de consommation, à créer de beaux espaces pour la prière, à trouver de nouveaux symboles, à raconter de nouvelles histoires au cœur des hommes et des femmes qui les écoutent. Cette communication de la beauté fera naître la joie et la vie, même au milieu de la violence et de la mort.
5. Nous avons besoin de changer notre mentalité vis-à-vis de la communication et savoir risquer, tant au sein de l’Église – où nous sommes souvent divisés ou censurés ou trop cléricaux – qu’à l’extérieur, vis-à-vis du monde des médias. Nous devons former des religieux et des religieuses spécialistes dans ce domaine, encourager ceux qui y travaillent, collaborer avec eux pour apporter des ressources et travailler en contact étroit avec des laïcs compétents. Il faut interagir avec les médias de manière créative, en étant prêts à répondre et non a s’enfuir. Nous devons avoir le courage de nous montrer tels que nous sommes réellement, avec nos valeurs et nos faiblesses, et parler une langue que les gens d’aujourd’hui puissent comprendre.
6. Nous osons faire quelques propositions : dans notre vie, mettre en relief la primauté de la Parole de Dieu ; revoir, à partir des pauvres, notre style de vie, nos œuvres, savoir vivre dans le provisoire, promouvoir la présence de la VC dans les forums mondiaux et dans les organismes décisionnels, tels que l’ONU, où l’on décide l’avenir de l’humanité ; être présents là où la vie est plus menacée.
7. Le célibat consacré conduit à une relation plus profonde avec Jésus-Christ et incite à partager l’amour des autres. Le célibat est, selon nous, un choix libre, c’est notre appel, c’est pour nous une manière saine et équilibrée de vivre notre sexualité. Aujourd’hui nous nous sentons davantage à notre aise par rapport à notre corps, à nos sentiments, à nos émotions. Nous croyons, comme le vieux Nicodème, que nous sommes nés de nouveau. Le choix de notre chasteté resplendit davantage lorsque nous prouvons que le chemin que nous suivons mène à Dieu.
8. Nous devons faire de la Bible la compagne de notre vie et l’incarner dans notre ministère. Pour parvenir à un discernement communautaire authentique, il est nécessaire de fonder notre évolution sur la Parole, en lui donnant plus de place dans notre vie quotidienne. L’exercice de la lectio divina doit devenir l’élément de transformation dans notre style de vie.
9. Parlant de la soif de Dieu, nous nous rendons compte que nous touchons à un sujet fascinant. Notre expérience de Dieu est celle d’un Dieu incarné. Pour faire émerger cette expérience, il est nécessaire de modifier nos structures internes et de repartir de l’amour conjugal et radical pour le Christ. Il faut une formation humaine, personnalisée, un style de pensée critique, une formation au dialogue qui conduise à la transformation personnelle, qui porte à regarder le monde avec les yeux de la foi. Il faut également apprendre à partager l’expérience de la foi.
10. Formation permanente signifie surtout disposition active et intelligente de la personne spirituelle à apprendre de la vie, pendant toute sa vie. La formation permanente comporte plusieurs niveaux : l’individu, l’institution et ainsi de suite, des interventions ordinaires et extraordinaires. La formation permanente doit être organisée autour du modèle de l’intégration et son processus de référence est le Triduum pascal. Il faut des formateurs et des communautés capables d’accompagner les personnes dans les moments de crise.
11. Nous sommes les témoins d’un pluralisme croissant, qui est un processus irréversible. Il est nécessaire que nos structures soient porteuses de valeurs, qui nous rendent disponibles à la mission. La mise à jour et l’adaptation des structures doivent être conçues comme un processus de transformation continue. Nous devons promouvoir une spiritualité de communion, intensifier les efforts de collaboration entre les congrégations. De plus, il faut demander que l’on apporte des modifications au Droit Canon, en vue d’une égalité effective au sein des Instituts, entre membres cléricaux et non.
12. Les jeunes, en particulier, ont soif de vie communautaire, comme expression de la mission, lieu du partage, de la foi et des relations profondes. En revanche, certains religieux vivent aujourd’hui en communauté comme dans un hôtel. Nos structures de gouvernement actuelles reflètent une époque durant laquelle le nombre des membres de la communauté était élevé. Or, elles ne sont pas adéquates aux exigences actuelles. Chaque Institut doit continuer à développer la formation permanente afin que l’on parvienne à une vie communautaire plus humaine et significative. La communauté doit être ouverte et hospitalière.
13. Les laïcs nous font découvrir que nos charismes sont des dons pour tous les chrétiens, pour l’Église et pour le monde. Au-delà de nos faiblesses et de notre vieillissement, le Saint-Esprit suscite une nouvelle fécondité. Il faut développer l’ecclésiologie de communion et la fondation théologique des rapports entre religieux et laïcs. Intensifier la formation commune entre religieux et laïcs ; favoriser la mission partagée et le lien avec l’Église locale ; avoir des structures souples, partager les expériences entre congrégations.
14. L’unité de nos congrégations découle certainement d’une vision commune, mais elle est soutenue par un réseau de relations qui créent l’unité et abattent les barrières. Il y a encore beaucoup à faire, afin que les femmes puissent jouer effectivement leur rôle dans la société et dans l’Église. Conduire un groupe à une décision commune est un art difficile. Les supérieurs doivent être des témoins d’enthousiasme s’ils veulent soutenir la passion des membres. Si l’amour et la créativité sont unis, notre progrès sera stimulant.
15. La VC donne de la catholicité à l’Église locale et de l’ouverture à l’universalité. Nous contribuons à ouvrir les horizons de l’Église. Vingt-cinq ans après la Mutuae Relationes, nous devons continuer le dialogue à tous les niveaux au sein de l’Église ; accomplir un effort plus grand pour harmoniser les plans des congrégations et les plans pastoraux diocésains ; il est important de nous former au dialogue entre laïcs, religieux, religieuses et clercs ; la VC doit être experte en communion. Cela suppose un puissant appel à la vie communautaire.